Jeudi 5
novembre 2015
À l'attention
de
Philippe
Couillard, premier ministre du Québec sous le parti libéral du
Québec
Mon nom est
Martin Zibeau. Je suis né au Québec en 1968, père de deux enfants
de 5 et 7 ans, j'habite la circonscription de Bonaventure en
Gaspésie.
L'objet de
cette lettre est de vous signifier explicitement mon désaccord avec
la décision du gouvernement de soutenir à la hauteur d'un milliard
de dollars la compagnie Bombardier. J'en profite pour faire de même,
avant que vous n'y arriviez, au sujet de l'éventuelle privatisation
de la SAQ et d'Hydro Québec.
Pour être
clair, ce n'est pas seulement l'expression d'un désaccord théorique
que j'aimerais exprimer, mais c'est qu'en
tant que citoyen du Québec je ne vous permets pas, ne vous donne pas
mon accord pour effectuer cette transaction avec Bombardier, ni non
plus pour explorer les possibilités de privatisations mentionnées
plus haut.
Bien sûr, même si cette lettre se rendait jusqu'à vous, je
n'imagine pas que vous en teniez compte. Au moment où je vous écris
ces mots, 1/3 des 4000 organismes communautaires du Québec
n'ouvriront pas leurs portes aujourd'hui et demain parce qu'ils ne se
sentent pas écoutés par vous. Vous comprendrez que je n'ai pas
beaucoup d'espoir d'avoir votre attention. Et ce n'est peut-être pas
tant par vous que je souhaite être entendu au final, en tout cas pas
seulement.
Pour que mon désaccord soit bien ancré dans une réalité que vous
pourriez comprendre, j'ai cherché un moyen de ne pas participer
financièrement à votre « projet de société ». Mes
moyens ne me permettant pas d'accéder aux paradis fiscaux, je me
suis réfugié sous le seuil de la pauvreté. Je vous indique donc
que je ne paierai pas d'impôt cette année. Pas par le biais d'une
quelconque désobéissance civile, mais tout légalement (peut-être
inspiré par vos pratiques) en faisant une retenue à la source. Je
ne paierai pas d'impôt cette année parce que j'ai décidé
consciemment de ne pas faire assez d'argent pour avoir à contribuer
financièrement à votre agenda partisan. Mon seul luxe sera de
savoir que je ne vous donnerai pas un seul dollar à redonner à vos
amis. Je n'encourage évidemment personne à faire de même, mais si
d'autres citoyens et citoyennes se sentaient inspirées par des
façons de se réapproprier un pouvoir qu'une minorité seulement
d'entre nous vous avons consenti, ce sera toujours ça.
Vous
avez peut-être aussi entendu parler du
demi (1).
Les médias Time(2),
Maclean's(3),
France
info(4),
Radio
Canada(5)
et Radio
X(6)
entre autres en ont glissé un mot dernièrement si le sujet vous
intéresse. C'est une autre façon proposée et légale de reprendre
en tant que citoyen et citoyenne, un peu de pouvoir (en tout cas
aussi légale et probablement plus éthique, qu'investir aux Îles
Jersey). Si chaque citoyen et citoyenne devenait sa propre banque,
auraient-ils droit à un peu plus de respect de votre part?
Je vous partage ces quelques actions parmi d'autres sur lesquelles
j’investis mon temps parce que je crois important de vous rappeler
et de NOUS rappeler, qu'au final vous auriez dû être élu pour être
le représentant de la population. Que même si le système archaïque
et désuet qui vous a permis de « prendre » le pouvoir ne
nous permet pas de vous destituer légalement, il existe quand même
des moyens légaux et pacifiques pour les gens qui le désirent
vraiment de s'organiser avant que vous ne nous ayez complètement
désorganisés.
Vous aurez peut-être remarqué que je ne vous invite pas à revoir
vos positions. Vos positions sont claires et vous nous avez déjà
démontré depuis le début de votre mandat que vous n'avez pas
l'intention de fléchir et que si vos babines nourries par votre
pléthore de « spin doctors » se font allées à
intervalles savamment calculés, vos bottines de luxe sont rarement
au rendez-vous, à moins que ce ne soit un rendez-vous partisan.
Dans la mesure de mes moyens, je m'investirai donc dans le
développement de ma communauté en lui donnant mon temps. Et si je
n'ai aucun moyen de vous empêcher de piger à votre convenance dans
les coffres du Trésor québécois, je vous assure que je ferai tout
ce qui est en mon pouvoir pour légalement ne pas y contribuer tout
en m'investissant concrètement au quotidien à l'amélioration de la
qualité de vie de ma famille et des gens qui nous entourent.
Vous détenez certainement pour le moment les cordons d'une bourse
collective importante. Mais vous n'avez que très peu de contrôle
sur les canaux qui ont rempli cette bourse qui à mon avis n'est plus
entre bonnes mains. Vous n'avez jamais eu ma confiance sur la saine
gestion de nos ressources collectives, mais je ne vous l'avais pas
encore signifié officiellement. Je le fais maintenant. Par cette
lettre je vous signifie clairement et ouvertement mon intention de ne
pas me mettre à genoux devant votre arrogance face à la dignité
des gens qui travaillent, qui ont travaillé et qui travailleront
pour l'intérêt de l'ensemble de la population du Québec.
Sincèrement,
Martin Zibeau
126 rue Bélanger, Saint-Siméon de Bonaventure, G0C 3A0
Références :
Cc.:
Jean D'Amour,
Ministre responsable de la région de la
Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine: ministredelegue@mtq.gouv.qc.ca
Sylvain Roy,
député de Bonaventure : sylvainroy-bona@assnat.qc.ca
etc.
Ce texte a aussi été publié dans le Journal Ensemble, presse coopérative et indépendante :
http://www.ensemble.coop/m-couillard-vous-n-avez-pas-mon-autorisation/